36 ans de carrière, 20 films, 8 obsessions mode : le style du président du 70ème Festival de Cannes, c’est aussi ses costumes, qu’il choisit avec une précision maniaque depuis son premier long métrage, Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980). Retracer sa filmographie fashion est par ailleurs l’occasion de vous parler de mes rapports privilégiés avec le cinéaste espagnol… #funfact
Pedro et moi (ou est-ce Penélope Cruz ?)
Pedro, c’est l’homme de tous les records : 20 longs-métrages, 15 courts, un film amateur crypto-porno intitulé Baise-moi, Baise-moi Tim ! (1978), 1 pièce de théâtre (Patty Diphusa, la vénus des lavabos), 2 Oscars (pour Tout sur ma mère et Parle avec elle), 4 Césars (pour Talons Aiguilles, Tout sur ma mère et Parle avec elle), 1 Golden Globe (pour Parle avec elle), 6 nominations à Cannes, 0 Palme d’Or mais 1 jury à présider dès le 17 mai prochain, date de l’ouverture du prochain festival… et 1 rencontre mémorable avec Fiona Schmidt, qui détient depuis 2004 le record mondial de l’entretien le plus bref du monde.
A l’époque, je passais un DEA de cinéma à la Sorbonne, que je consacrais encore à mon idole. Je dis “encore”, parce qu’il a été le sujet central de mes mémoires de maîtrise et de DEA de journalisme (toi aussi, glisse habilement que tu as deux DEA, dont aucun ne t’a rapporté à ce jour le moindre centime, heureusement que je ne suis pas rancunière…) En 2004, donc, je regarde Almodovar, je lis Almodovar, je parle Almodovar, je vis Almodovar, je rêve Almodovar, j’ai un peu la même coupe de cheveux que Victoria Abril dans Talons Aiguilles, même si ce n’est pas tout à fait ni volontaire ni conscient… et je parviens à m’incruster à la Première de La mauvaise éducation à laquelle assistait Le Génie.
A la fin de la projection, je me fraie un passage parmi la foule qui déjà engloutit mon père spirituel, j’écrase une dizaine de milliers d’euros d’escarpins, je le frôle presque, son regard m’effleure, j’ouvre la bouche, moite et tremblante comme une mozzarella AOC, et là… rien. Je suis restée plantée là, la bouche ouverte, les yeux en warning, à tripoter frénétiquement le rubiks cube de mes neurones – “Putain où j’ai mis mes consonnes, bordel ?” -, son cou a pivoté sur son axe avec le même bruit que la roue dans Fort Boyard, et il a continué son chemin, non sans m’avoir adressé un vague sourire (ou un tic facial ?). Je me suis répandue à mes pieds avec un bruit de serpillère trempée, et je me suis ruée sur le buffet bar. Fin.
En tout cas…
TOUT EN TRAVAILLANT INTENSEMENT *, j’ai cherché toute la journée un angle inédit pour vous parler de Pedro Almodovar sans paraître trop pédante – les gens qui me connaissent savent bien que j’ai horreur de ça (vos gueules, les gars !) -, et plutôt que d’écrire un post de dix kilos sur le génie du mec, j’ai trouvé ça : “Toi aussi, sape-toi comme une héroïne d’Almodovar !”
Car depuis son premier film Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980) jusqu’à Julieta (2016), ce cinéaste des marges et des femmes soigne ses costumes autant que ses décors et ses plans. Pour lui, le vêtement établit le cadre esthétique du film et donne des indications sur le caractère et l’humeur des personnages, ainsi que le rapporte ce très bon papier du magazine Antidote, non exempt toutefois d’erreurs, mais bon… #bitchface.
Et de fait, depuis 35 ans, on retrouve de films en films les mêmes obsessions vestimentaires qui font d’Al-mode-ovar un cinéaste heu, vraiment trop stylé !
Le rouge. Symbole de la noblesse, du diable, de la passion, du sang, blablah, la couleur des Dieux et du clergé pendant l’Antiquité est une métaphore visuelle du cinéma d’Almodovar.
Blanca Suarez et Antonio de la Torre dans Les amants passagers
Penélope Cruz dans Les Etreintes brisées (2009)
Cecilia Roth dans Tout sur ma mère
Penélope Cruz dans Volver (2006)
Marisa Paredes dans Talons Aiguilles
Marisa Paredes dans La fleur de mon secret (1995)
Loles Leon dans Attache-moi ! (1989)
Victoria Abril dans Attache-moi ! (1989)
Carmen Maura et Rossy de Palma dans Femmes au bord de la crise de nerfs (1988)

Carmen Maura (à droite) dans La Loi du désir (1986)
Asumpta Serna dans Matador (1985)
Les couleurs Haribo, avec une prédilection pour le pink flamingo, le vert acide et le bleu roi, et les mélanges détonnants, voire indigestes. Un esprit très 80’s, sa période culte et la plus prolifique – sa meilleure, diront les puristes dont je ne suis pas -, qu’il revisite à chaque film ou presque à travers une série de flashbacks.
Adriana Ugarte dans Julieta
Javier Camara et Gael Garcia Bernal dans La mauvaise éducation
Pedro Almodovar et Antonia San Juan sur le tournage de Tout sur ma mère
Antonia San Juan et Cecilia Roth dans Tout sur ma mère
Marisa Paredes dans La fleur de mon secret
Bibi Andersen dans Talons Aiguilles
Victoria Abril (à gauche) dans Talons Aiguilles (et son sweat tellement Off-White 2016 !)
Julieta Serrano dans Femmes au bord de la crise de nerfs
Carmen Maura (en haut et en bas à gauche) dans Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980)
Les fleurs plus vénéneuses que romantiques…
Blanca Suarez (à droite) en Dolce&Gabbana dans Les amants passagers (2013)
Penélope Cruz dans Volver
Veronica Forqué dans Kika (1993)
Le glamour old school, à base de brushings à l’hélium, décolletés vertigineux et robes à sequins…
Penélope Cruz dans Etreintes brisées (2009)
Penélope Cruz dans Volver
Gael Garcia Bernal dans La mauvaise éducation
Miguel Bosé dans Talons aiguilles
Marisa Paredes, Victoria Abril et Miguel Bosé dans Talons aiguilles

Marisa Paredes dans Talons aiguilles
Carmen Maura dans La loi du désir (1987)
Le rétro seventies mi-Prada, mi-Deschiens…
Elena Anaya et Marisa Paredes dans La piel que habito
Penélope Cruz dans Etreintes Brisées (2009)
Carmen Maura et Penélope Cruz dans Volver
Yohana Cobo, Lola Duenas, Carmen Maura et Penélope Cruz dans Volver
Cecilia Roth (à gauche) et Penélope Cruz dans Tout sur ma mère
Penélope Cruz dans Tout sur ma mère
Carme Elias (à droite) dans La fleur de mon secret
Rossy de Palma et Chus Lampreave dans La fleur de mon secret
Le folklore national… très Dolce&Gabbana printemps-été 2015.
Rosario Flores dans Parle avec elle (2002)
L’esprit Palace ou Studio 54, version Movida…
Francesca Neri sur le tournage de En chair et en os (1997)
Cristina Sanchez Pascual dans Entre les ténèbres (1983)
Le labyrinthe de passions (1982)
Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier
Les collabs mode prestigieuses, avec notamment…
Jean Paul Gaultier, qui habille Victoria Abril dans Kika et Elena Anaya dans La piel que habito.
Elena Amaya dans La piel que habito, très Yeezy…
Victoria en Gaultier sur mesure dans Kika
Chanel : les tailleurs de Victoria Abril dans Talons Aiguilles et la robe insensée de Penélope Cruz dans Etreintes brisées, c’est Karl. L’inoxydable DA de Chanel croise régulièrement Almodovar, sur le tapis rouge ou à l’occasion d’une séance hommage au cinéaste orchestrée par le Harper’s Bazaar US en 2010, à laquelle participera également Gaultier, entre autres illustres noms de la mode.
Penélope Cruz en Chanel vintage dans Etreintes brisées
Victoria Abril dans Talons Aiguilles
Et Christian Dior période Raf Simons, qui habille Michelle Jenner (rien à voir…) dans Julieta.
à droite, une silhouette Dior automne-hiver 2015
Je serais ravie de continuer à vous parler de Pedro pendant 2 heures jours mois, aussi n’hésitez surtout pas mais genre, SURTOUT PAS à me demander des précisions sur la scène d’ouverture d’Attache-moi ! ou la virtuosité de la séquence dans l’arène de Parle avec elle, ou les raisons pour lesquelles les critiques sont passés complètement à côté de son meilleur film, La mauvaise éducation, ou…
Love,
Fiona
*l’une de mes boss lit ce blog, mais je fais comme si je ne le savais pas…
Haha tu m’as bien fait rire avec tes DEA!
J’ai adoré cet article, c’est une idée tellement intelligente de nous permettre de découvrir encore un peu plus l’univers Pedro à travers ses dressings, je valide totalement! Ça m’a aussi rappelé mes cours d’espagnol au lycée où la prof devait aussi être fan de Pedro et nous a montré un grand nombre de ses films.
Bises,
Céline
Merci @merrygoroundgirl ! N’hésite surtout pas à me demander quels sont mes trois films préférés d’Almodovar, hein ;)… Bisous !
Si je ne devais choisir qu’une chose, ce serait le rouge je crois. Ou Penelope…
J’ai beaucoup aimé cet article, ça nous change des tops des magazines. (Coucou Elle)
Ravie qu’il t’ait plu dearest @PPCC ;-)
Quel beau travail que tu nous présentes là ! J’adore cet article et Almodovar ,je constate que je suis loin d’avoir vu tous ces films ,mais j’ai vu tout ce qui est sorti à partir de “tout sur ma mère” qui fait partie de mon top 10 des films que je préfère ,je n’oublierai jamais comme j’étais bouleversée en sortant de la salle .
Alors ,toi ,lesquels sont tes préférés ?
MERCI CHERE @Réré DE ME POSER LA QUESTION !!!! Mes trois Almodovar préférés sont “La mauvaise éducation”, à mon sens son film le plus noir et le plus complexe, “Parle avec elle”, qui m’a fait chialer au moins douze litres, et… j’hésite entre “Tout sur ma mère”, qui est remarquable de subtilité dans sa démesure, et “La piel que habito”, qui nous a réconcilié Pedro et moi. Je lui ai fait la gueule au moment de la sortie de “Volver”, que je trouve paresseux, “Etreintes brisées” ne m’a pas totalement convaincue non plus, mais “La piel…” renoue avec l’Almodovar des années 80 et titille efficacement ma fibre nostalgique. J’ai beaucoup aimé “Julieta” aussi, que j’attendais avec l’appréhension d’une mère avant le solo de violon de son gamin à la fête de l’école, après le crash des “Amants passagers”, dont nous ne parlerons pas ici par charité… Merci pour ton commentaire <3 !
Je tiens à corriger une erreur de ma part ,le premier que j’ai vu est talon aiguilles ;)
Je suis allée voir La Mauvaise Education le jour de sa sortie, je le guettais depuis un moment, toute fan que j’étais… je l’ai tellement adoré que j’en ai fait une crise d’appendicite pendant la séance !!
Sans déconner, c’est pas la raison (Qui sait au fond ?), mais j’ai quand même fait ma crise et fini aux urgences. Je suis retournée le voir quelques semaines plus tard, pour l’apprécier à sa juste mesure (= sans les crampes au bide, à me demander “putain qu’est-ce que j’ai mangé pour être dans cet état ?”)
Ce film est en effet le meilleur de sa carrière (Avec Volver, ok), peut-être parce que le plus personnel ?
@Carole : tellement almodovarienne cette histoire, je suis follement jalouse !!! Mais pas d’accord au sujet de Volver, qui m’avait beaucoup déçue. J’ai fait la gueule à Pedro pendant un bon moment, jusqu’à La piel que habito qui nous a réconciliés. Je trouve qu’il s’auto-caricature dans Volver, il surjoue tellement la castagnette intellol qu’il en devient pénible. Ceci dit, la scène du meurtre est l’une de ses scènes les plus réussies ever, et l’un des plus beaux plans de cinéma que j’aie jamais vu, donc ne nous engueulons pas ;-). Je croise les doigts pour accoucher devant son prochain film ! Bises, et merci pour ton commentaire.
Tout à fait d’accord pour la mauvaise éducation, je pense que c’est son meilleur film.
Ah tiens, c’est marrant ton commentaire sur Volver, ça a l’air d’être un des pires selon toi !
Sûr qu’il pousse la caricature, mais il la pousse à peu près dans tout ce qu’il fait… Moi j’ai aimé dans ce film ce qui ressort de son enfance, le fait qu’il ait été élevé et entouré de femmes…
Perso, j’ai raté le coche sur Parle Avec Elle, il faudrait que je le revoie peut-être, mais à l’époque ce film m’avait donné l’impression que Pedro cautionnait le viol, j’étais complètement passé à côté de l’histoire d’amour, ce film m’avait mis très mal à l’aise.
La Piel que Habito je suis d’accord, j’ai même presque été vexée de voir que le scénario n’est pas de lui-même, tellement cette histoire barée lui ressemble ! En tout cas il est la preuve qu’on peut tout de même adapter un livre au cinéma de façon très réussie.
Moi je suis tombée dans la marmite almodovarienne avec Talons Aiguilles vu à 14 ans, le petit choc cinématographique à l’époque, c’est définitivement un de mes réalisateurs préférés…