En 1967 à Turin naissait “l’arte povera”, littéralement “l’art pauvre”, un mouvement artistique qui défiait l’industrie culturelle et plus généralement la société de consommation en utilisant des matériaux dits “pauvres” comme le sable, la toile de jute, la terre, le goudron, la corde, etc. L’art étant évidemment dans le geste plutôt que dans le produit fini, l’arte povera était plus politique qu’esthétique.
(Le niveau intellectuel de ce blog… Toi aussi, ton cerveau chope des abdos à la fin de chaque post?)
En 2007 à Paris, Marc Jacobs invente le “borsa povera”, ou “sac pauvre”, qui a l’air d’être un sac de pauvre, sauf qu’il coûte en réalité le PIB de Monaco.
Louis Vuitton, été 2007
C’est insolent, c’est décalé, c’est décadent, et c’est un succès commercial qu’il récidive trois ans plus tard, avec un sac en cuir déguisé en sac poubelle :
Louis Vuitton par Marc Jacobs, été 2010
“Qui est le con qui achèterait 2000 euros un truc qu’il pourrait avoir à 2 balles au Franprix de Barbès ?”, demandez-vous légitimement ? Ben, les riches, pardi ! D’abord parce qu’un riche ne va pas au Franprix, ni à Barbès : il ne sait pas où c’est, c’est donc plus commode pour lui d’acheter ses sacs poubelle chez Vuitton, son commerce de proximité à lui. Ensuite parce que si les pauvres jouent aux riches, un sac griffé plus ou moins casher accroché au coude, pourquoi les riches ne joueraient-ils pas aux pauvres, avec des contrefaçons de précarité ? Hein ?
Depuis les années 2010, les créateurs de mode multiplient donc les pieds de nez à cette crise dont on parle partout, sauf à la caisse de leurs boutiques, avec des sacs qui simulent l’indigence 48 carats :
Le sac en papier chez Martin Margiela :

Maison Martin Margiela, collection “Paper”, été 2010
Le sac en plastique de petite fille chez Louis Vuitton :
Louis Vuitton, été 2012
Le sac façon papier de bonbon chez Margiela, dont l’idée a été reprise dans la collection Chanel de l’hiver :
Maison Martin Margiela pour H&M, hiver 2012
Le filet à provisions de mémé :
Carven été 2013
Re-le sac Barbès :
Céline, automne-hiver 2013-2014
Re-le sac poubelle :
Lanvin automne-hiver 2013-2014
Le panier de supermarché, et la housse d’oreiller Foir’Fouille :
Chanel automne-hiver 2014-2015
Le sac de shopping, bien connu des rédactrices mode :
Backstage Givenchy automne-hiver 2014-2015

Sac “Rave” été 2015
Le sac en plastique sauf qu’en python :
Anya Hindmarch automne-hiver 2014-2015
Le sac McDo :
Moschino automne-hiver 2014-2015
Et la nouvelle saison ne fait pas exception à cette nouvelle règle du no fric, c’est chic ! Ainsi cet été, il est de bon ton de promener ses affaires, au choix :
… dans un panier en osier rescapé d’un vide-grenier :
Mark Cross
… Un sac transparent façon miss Camping 1987…
Junya Watanabe @Colette
… Un cabas pliable que l’on trouvait jusqu’alors plus facilement dans les offres d’abonnement au magazine Pleine Vie que chez Colette :
Azumi & David @Colette
… Un cabas imprimé Sodexo :
Azumi & David @Colette
… Le cabas que l’on trouve généralement sous la caisse du Super U :
Carven
… Un sac Tati pimpé :
Yazbukey
Ou enfin, le cadeau-souvenir que l’on achète à sa marraine à la boutique de l’aéroport, avec un paquet de Tic Tac et des boules Quiès :
Dolce&Gabbana
Pour être honnête, les deux dernières options me séduisent assez. Le problème, c’est que je ne peux pas faire semblant d’être pauvre : je le suis vraiment. Toute la difficulté de cette tendance est là : le sac de pauvre doit avoir l’air assez pouilleux pour être hype, tout en étant quand même un peu luxe, pour qu’on ne me soupçonne pas d’être premier degré, genre “mon sac Shoppi vient du Shoppi”. Voyez ?
Comment ça, c’est la tendance la plus débectante, cynique, ridicule et pour tout dire, assez vulgaire que vous ayez vue depuis deux bonnes semaines ?!?
Eh oh, ça va les Mélenchonnes ! Va falloir vous y faire, car les versions de l’hiver prochain sont déjà dans les bacs :
Coucou le sac à point de croix de mémé !
Zimmermann, automne-hiver 2015-2016
Coucou le grigri Sapin Magique !
Anya Hindmarch
Et la fashion week n’est pas encore finie…
Perso, je mise ma fashion cred’ sur le baluchon qu’on croirait fait de deux vieux foulards, j’en ai repéré un tout fait chez Topshop :
Pourvu que mes deux mains soient assez futées pour bricoler ça toutes seules – mais hélas, comme je n’ai pas un gros Q.I. manuel…
Mille baisers (+ 33% gratuit)
F.
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